Extrait de Gilles de Rais de Lanza del Vasto

Publié le 25 Juin 2012

L’œuvre témoigne de l’ouvrier, il suffit donc, enseignait le Bonhomme, de considérer ce monde avec les yeux de la sagesse pour en déceler l’auteur. Comment l’auteur d’un tel monde serait-il Dieu ? (…) Le Créateur n’en doute pas, c’est Lucifer.

 

Au sommet du ciel invisible en son palais de lumière, Dieu régnait comme il règne, entouré de ses anges et de leur louange heureuse, tandis que sous eux les sphères des éléments, pures et impérissables comme leur auteur, résonnaient à la voix de Son vouloir.

Lucifer qu’on appelle encore Lucibel pour sa haute beauté était le Connétable du Royaume, le Prince de la Lumière.

Il en conçut fol orgueil et le dessein d’usurper le trône de Dieu même, lequel connut son projet et le chassa de devant sa face, ainsi que les Princes des quatre éléments qui étaient entrés dans le complot et le tiers des milices célestes.

Il se réfugia avec les siens au coin le plus reculé du firmament et là, travaillé de remord et de peur, il cria merci : Seigneur ne nous détruisez pas, accordez-nous le temps, nous vous rendrons tout.

Dieu le couvrit de Sa miséricorde et le laissa maître des instruments de son rachat.

Ce fut ainsi qu’aidé de ses compagnons Lucifer entreprit l’œuvre des sept jours.

Des joyaux de la couronne brisée il fit le soleil, la lune et les étoiles, puis il forgea la mer la terre les pierres les plantes feuille à feuille, les bêtes jusqu’aux petits poils sous l’oreille, avec un art insigne et un ardent désir d’ordre et de bien, mais lui-même déchu, tourmenté tourmentant ce qui gît en son pouvoir, jaloux irritable injuste souvent trompé parfois trompeur comme le montrent les Écritures des Juifs qui ne parlent que de lui.

Or deux anges qui s’étaient gardés de la révolte par crainte furent mus de curiosité pour la demeure que leur ancien maître se bâtissait par ses propres moyens à l’écart de l’Éternel.

Ils se présentèrent devant Dieu et lui requirent licence de l’aller visiter, afin de conforter les autre anges dans leur fidélité, par les récits qu’ils rapporteraient de ce gouffre d’horreur.

Dieu les punit de leur tiédeur et de leur feintise en leur accordant ce qu’ils demandaient.

Aussitôt arrivés ils s’endormirent par l’effet des vapeurs d’ici-bas.

C’était une belle proie pour le maître du lieu qui jeta sur eux le filet d’un corps de boue.

Il dressa autour d’eux le paradis terrestre pour leur faire oublier l’autre.

Seul le fruit de l’arbre de la connaissance eût pu en rendre le souvenir, c’est pourquoi il leur interdit, les recevant d’ailleurs en hôtes bienvenus en son domaine.

Mais s’avisant que l’attrait du plaisir était trop mince et qu’ils pouvaient rompre leurs liens n’importe quand, il leur tendit son piège.

Et se glissant dans le corps du serpent il séduisit d’abord Eve et par elle Adam.

Lesquels incontinent se souvinrent du ciel où tout est en tout par grâce d’amour, eurent chagrin de leur solitude et honte de leur corps de boue.

Ils s’enflammèrent du désir de s’unir comme en haut et s’y essayèrent selon la gauche et sale façon que permettent les issus dudit corps.

Sur quoi le Séducteur simula la colère pour les chasser du Paradis dont il n’avait plus besoin pour les retenir depuis qu’ils étaient tombés dans le péché.

Le péché d’Adam n’a pas été de mordre au fruit de la Connaissance, en quoi il n’a fait que désobéir au diable et s’élever d’un degré dans la perfection, mais de choir dans le désir charnel par quoi il s’est lié à lui.

Par quoi mourant à son éternité, il s’est multiplié divisé répandu dans sa progéniture, est descendu sous terre par sa mort, est entré par ses démérites en divers corps de bêtes et de choses, est devenu le ferment le plus actif, le plus souffrant aussi, de la cuve en travail de ce monde.

Tant qu’enfin Dieu prit en pitié la mésaventure de ses deux anges et surtout leur prière inefficace parce que mal adressée.

Il leur envoya le premier des anges le Christ notre Seigneur pour leur enseigner la prière, la voie du retour, la victoire sur le monde, sur la mort, sur le désir et sur les incarnations.

Mais ce monde durera autant que le péché car il naît de lui et dure pour l’expier.

Le Prince de ce monde gagnera son pardon le dernier.

Rédigé par Fabienne M

Publié dans #Textes choisis

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